Les étudiants irlandais dans la tourmente du Covid-19


Article publié sur La-Croix.com, le 09.10.2020

Enquête : La République d’Irlande prend la direction d’un nouveau confinement et les étudiants voient s’éloigner la possibilité de retourner sur leurs campus. Pour beaucoup d’entre eux, la situation est délicate, en raison du coût élevé des logements et de la baisse de leurs revenus.

Compter 3 000 € par année de licence, au moins le double pour les étudiants étrangers et les masters. En Irlande, la formation universitaire compte parmi les plus onéreuses d’Europe. Alors que le pays vient de renforcer les restrictions, en réaction à l’augmentation du nombre de cas de coronavirus (près de 40 000), les étudiants se sentent oubliés par le gouvernement.

« La fac vient de nous annoncer que tout serait en ligne pour le premier semestre… » Padraic Toomey, 22 ans, est encore sous le choc. Pour le président du syndicat étudiant de l’université de Galway, les élèves n’ont pas été assez informés de la situation. « Les ministres ont attendu le vendredi soir précédant la rentrée pour dire que les premières semaines se dérouleraient en ligne. Ils auraient pu s’y prendre plus tôt ! »

Depuis cette première mesure, la situation n’a fait qu’empirer et rares sont ceux qui s’imaginent reprendre le chemin des amphithéâtres. Il est désormais interdit de voyager d’un comté à l’autre et les rassemblements en intérieur ne doivent pas excéder six personnes.

Un revirement inacceptable

Encouragés par les facultés, de nombreux élèves avaient pourtant signé des baux et emménagé dans leurs nouvelles résidences. « L’urgence, c’est de les aider à résilier pour qu’ils puissent rentrer chez leurs parents », ajoute Padraic. Pour Conor Anderson, qui dirige le syndicat de l’université de Dublin, ce revirement est inacceptable. « Tout l’été, on nous a assuré qu’il y aurait une vie de campus semi-normale. Dès juillet, j’ai prévenu l’administration qu’il ne fallait surtout pas faire venir les élèves si un nouveau confinement devait s’imposer. Pensez aux jeunes qui arrivent de Chine ou des États-Unis, qui ne connaissent pas le pays et se retrouvent enfermés dans leurs chambres ! »

À Trinity College, université historique du centre de Dublin, Eoin Hand partage l’indignation générale. « En temps normal, un certain nombre d’étudiants doivent se passer de repas pour pouvoir payer leurs frais d’inscription et leur logement. Ici, les loyers peuvent monter jusqu’à 10 000 € par an, et continuent à augmenter. Certains cumulent donc deux ou trois emplois pour s’en sortir. » Or, cette année, les postes pour les étudiants se font plus rares.

Les jeunes sont montrés du doigt

Catriona Reid, employée dans un magasin de Cork, a vu ses heures réduites de 20 à 4 par semaine. Étudiante en sciences politiques, elle se souvient de sa première rentrée, en 2019 « Mes premiers cours, apprendre à connaître les gens… ce sont les meilleurs souvenirs de ma vie ! Évidemment, il faut faire le nécessaire pour contenir l’épidémie, mais n’oublions pas l’importance de la vie sociale pour les jeunes, qui peuvent se sentir très isolés et loin de leurs familles, surtout si celles-ci sont à risque. » Les services de santé mentale mis en place par les universités sont déjà très sollicités et une étude du ministère à l’enfance et à la famille, sortie le 5 octobre, montre qu’un jeune sur cinq fait actuellement face à des problèmes de stress, d’anxiété et de dépression.

Chloe Grier, 20 ans, étudie l’obstétrique à l’Université de Galway et elle travaille quatre jours par semaine en stage à l’hôpital, sans recevoir de compensation. « Comme les étudiants infirmiers, nous n’avons pas le droit de travailler en dehors des structures médicales car nous sommes très exposés ! Il est difficile de gagner un peu d’argent pour son loyer. » Malgré les difficultés auxquelles ils sont confrontés, les jeunes sont montrés du doigt pour les fêtes organisées à la rentrée. Une « cible facile », selon Padraic Toomey : « N’oublions pas que nous avons été en première ligne, dans les magasins ou dans les services de santé, pendant la pandémie. L’immense majorité d’entre nous fait de son mieux pour protéger les autres et nous ne sommes pas responsables de tous les maux ! »

Juliette Démas (correspondante en Irlande), service Monde, La-Croix.com