Article publié sur La-Croix.com, le 27.09.2020
Reportage : Horaires, rapports à la hiérarchie, relations avec les collègues… tout change quand on passe une frontière. En Espagne, l’organisation de la journée répond à un rythme bien particulier.
S’il y a bien une différence entre la France et l’Espagne, c’est celle des horaires. « Nous avons beau vivre dans le même fuseau horaire, nous avons tout de même de une heure à une heure trente de décalage », lâche, amusé, Hugo-Ureta Alonso, responsable des relations institutionnelles chez Michelin Espagne, où il travaille depuis trente-quatre ans.
Les journées commencent généralement vers 9 heures pour se terminer vers 14 heures ou 14 h 30, sans oublier l’incontournable pause de 11 h 30. Puis vient le « trou » de la grande pause déjeuner, entre 14 heures et 16 heures, après laquelle le travail reprend jusqu’à 19 heures, parfois plus tard. « Nous ne sommes pas du tout en phase avec la France sur les horaires. Les Espagnols comprennent difficilement quand il y a une réunion à 15 heures au milieu de la pause déjeuner, souligne Béatrice Guégen-Souttre, responsable immobilier d’entreprise chez BNP-Paribas à Madrid depuis deux ans. Quant au vendredi, c’est journée intensive de 8 heures à 15 heures et il n’est pas question de caler une réunion au-delà. »
Si les horaires sont différents, la façon d’envisager le temps l’est tout autant. « Lorsque nous disons qu’il ne reste plus qu’un mois, les Espagnols vont vous rétorquer qu’il reste encore un mois ! », raconte, amusée, Béatrice Guégen-Souttre, qui apprécie par ailleurs beaucoup « le côté sociable des Espagnols ».
Moins de formalisme
Une réelle cordialité règne dans le milieu professionnel, même si persiste, selon la cadre de BNP-Paribas, « un grand sens de la hiérarchie ». « C’est vrai que les Espagnols mélangent habilement le professionnel et la vie privée dans leurs conversations en entreprise mais, en revanche, on ne tisse pas de liens en dehors du travail », tempère Sébastien Sanz, « partner » au sein du cabinet Remora Talent Advisory, qui a travaillé durant quinze ans en Espagne comme recruteur.
Le maniement du « tu » et du « vous » peut dérouter aussi plus d’un expatrié. « Nous ne sommes pas aussi formalistes, raconte Hugo Ureta-Alonso. J’appelle par son prénom le président de la compagnie. Quand on rencontre une personnalité publique, nous lui disons “Salut Directeur” ou “Salut Ministre”. »
Les relations sont tout aussi différentes lors du travail en groupe. « Dans les réunions, les Espagnols peuvent être plus silencieux par rapport à des Français moins obéissants, analyse Sébastien Sanz. Mais ils seront plus pragmatiques, ils veulent des choses qui fonctionnent rapidement et raffolent par exemple des projets pilotes à petite échelle, alors que les Français vont davantage travailler sur l’idée, et le temps de préparation sera plus lent. »
La famille et les amis avant tout
La crise du Covid-19 a révélé une autre différence surprenante. « J’ai senti mes collègues français contents de revenir au travail après le confinement, alors qu’en Espagne personne n’était pressé », assure Sébastien Sanz. Une impression confirmée par Béatrice Guégen-Souttre, pour qui « la place de la famille et des amis est probablement au-dessus de celle du travail en Espagne ».
Valérie Demon, à Madrid, service Économie, La-Croix.com